Précarité énergétique : une restriction du sens de la vie

Éco Watchers a été épinglé en tant que projet exemplatif par ce rapport de recherche qui n’est pas encore disponible mais dont les premiers résultats ont été présentés lors d’un colloque le 27 avril 2017. Nous vous en livrons ici plusieurs enseignements et points d’attention tirés de cette étude qui nous nourrissent grandement dans notre pratique pédagogique et donnent du sens à nos actions avec des personnes en situation de précarité énergétique.

En quelques mots…

À la demande du gouvernement wallon, le Réseau Wallon pour un Accès Durable à l’Énergie (RWADE), le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté (RWLP) et l’asbl Réalisation Téléformation Animation (RTA) ont mené une « Étude sur l’évaluation et la rationalisation des dispositifs d’accompagnement des publics en situation de précarité énergétique en Wallonie ». Cette étude est une des mesures du Plan wallon de lutte contre la pauvreté (http://luttepauvrete.wallonie.be/), elle a été finalisée en novembre 2016.

Cette étude a pris comme point de départ l’analyse de témoignages de personnes en situation de précarité énergétique. Ils ont ensuite été à la rencontre de professionnels d’horizons divers (CPAS, SLSP, Guichets Energie, associations, AIS, APL, mouvements d’éducation permanente, EFT, organismes de formation, etc.). Empreintes a été interviewée à partir du projet Éco Watchers.

Précarité énergétique : une restriction du sens de la vie

Les restrictions très fortes – menant parfois à des comportements dangereux d’un point de vue sanitaire (humidité, moisissures) ou sécuritaire (intoxication, incendie) – que s’imposent les personnes en situation de précarité énergétique dépassent largement l’aspect matériel. La précarité énergétique mène à une restriction du sens de la vie : affaiblissement de leur santé (à cause de l’état du logement et du stress provoqué) ; sentiments de honte ; isolement social (impossibilité d’inviter des amis chez soi) ; cause de disputes au sein du ménage, des rêves abandonnés (rénover son logement, etc).
Pour illustrer ce vécu, découvrez le témoignage d’un usager : https://vimeo.com/200182449

Attentes des usagers en matière d’accompagnement

Les usagers interrogés témoignent d’un besoin de construire une relation humaine et participante avec les professionnels aidants. Quelques pistes concrètes pour agir dans le sens d’un accompagnement porteur de sens :

• Ne pas mélanger l’aide et le contrôle, viser une relation participante et non-intrusive
• Offrir une aide concrète et adéquate
Plus de souplesse dans les dispositifs d’aide pour répondre aux besoins réels des usagers. Ne pas généraliser des mécanismes de soutien : dans certains cas d’importants travaux de rénovation du logement seront indispensables, dans d’autres, quelques litres de mazout accordés seront la réponse adéquate.
• Prendre en compte le capital symbolique
Renforcer le pouvoir d’agir des individus et des groupes, renforcer le crédit dont les personnes peuvent disposer, renforcer la légitimité des usagers en tant qu’acteurs.
• Prendre en compte la dimension collective des aides apportées, en termes de lutte contre la désaffiliation (recréer du lien, sortir les usagers de la solitude) et de réappropriation des thématiques abordées

Quelles réponses mettre en place face aux attentes des usagers ?

Face à ces attentes, les professionnels ne sont pas sans ressource, ils sont d’ailleurs nombreux à s’inscrire déjà dans cette dynamique bien que celle-ci prend du temps et des moyens. Les pouvoirs publics doivent aujourd’hui prendre conscience et comprendre cette conception de la relation d’aide et mettre en place les conditions favorables à sa réalisation.

Idéalement, le professionnel doit :
– Décloisonner son regard
– Mieux connaitre les différents acteurs afin de travailler localement en réseau et sans logique hiérarchique
– Le travail en réseau est une alternative au guichet unique : « la bonne porte d’entrée, c’est celle qui marche ! »
– Mettre en commun ses outils

La nécessaire reconnaissance et le soutien des travailleurs sociaux dans leur action de défense des droits des usagers sont deux éléments qui apparaissent indispensables aux participants de la recherche.

Éco Watchers, un exemple inspirant sur l’importance du travail collectif

Parmi plusieurs études de cas, le projet Éco Watchers a été pointé comme projet exemplaire pour souligner notamment l’importance du travail collectif.

Le travail collectif apporte de nombreuses réponses en termes de lutte contre la désaffiliation, de réappropriation citoyenne et de capital symbolique. L’étude acte que le travail collectif s’appuie sur une force mobilisatrice stimulante qui réunit les personnes, leur permet de partager, de déculpabiliser en réalisant qu’elles ne sont pas seules à expérimenter certaines réalités.

Les participants aux dynamiques collectives peuvent alors se mettre en projet, partager des savoirs, des savoir-faire, etc. Ces savoir-faire vont notamment considérer les éléments non techniques du logement comme des «acteurs non-humains» avec qui il faut apprendre à dialoguer.

Pour aller plus loin,
– La présentation faite par RWADE lors du colloque du 27 avril 2017
– Le site du RWLP
– Intermag, le périodique de RTA, 26 avril 2017